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Mensch + LilJu @ La Biscuiterie

Retour sur le concert de MENSCH et de LILJU qui a eu lieu le 5 Février à la Biscuiterie. Les deux groupes proposent une forme de Post-Rock avec des éléments électro. L’ambiance était chaleureuse et intimiste. Le public ne s’est malheureusement pas déplacé en masse pour cette affiche prometteuse.

C’est LilJu qui début la soirée. Il va proposer pendant près de 40 minutes une musique envoûtante. Seul avec son violoncelle, un micro, des loopers et des samples, il emporte le public dans un univers inspiré par la nature et par les contrées nordiques. La balance des sons est très bonne laissant place à tous les éléments. Voix, violoncelle et samples s’accordent parfaitement. Un vidéoprojecteur affiche par ailleurs des images choisies avec délicatesse, qui soulignent délicieusement la musique. Dans l’ensemble, ce fut une prestation toute en douceur, très bien maîtrisée par l’artiste.

Après le changement de plateau, c’est Mensch qui se produit sur scène. Le combo lyonnais propose une musique new-wave, indie, rock. On retrouve sur scène une bassiste et une guitariste, le tout accompagné par une batterie électronique. C’est ici mon premier bémol: la batterie était quelque peu en retrait, pas assez punchy. On ne ressent pas les pulsations La musique mériterait d’être accompagnée d’une vraie batterie, ce qui donnerait à l’ensemble plus de vie et plus d’énergie. Le mix est par ailleurs quelque peu déséquilibré. En effet, la basse et les voix prennent toute la place et la guitare est souvent imperceptible. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas réussi à rentrer dedans, ne connaissant pas leur musique plus que ça. D’autres, plus connaisseurs, ont pris un plaisir certain à écouter la musique de Mensch. Et je pense qu’effectivement  celle-ci peut s’avérer enivrante – le chant, en français et en anglais, est bien maîtrisé, les arpèges très new-wave et le son de la guitare crunchy est intéressant – mais il me faudra les voir à nouveau pour me forger un avis plus définitif.

J’ai finalement quitté ce concert avec une impression étrange. J’ai beaucoup accroché à LilJu et moins à Mensch. Dommage aussi que les habitants de Château Thierry et des environs ne se soient pas déplacés davantage en nombre. La Biscuiterie et les artistes qui s’y produisent méritent un soutien plus ample.

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Puscifer

Puscifer n’est pas inconnu dans le milieu, puisqu’il s’agit d’un des groupes du chanteur de Tool, Maynard James Keenan. Cependant, il n’est pas encore bien établi dans nos contrées. En effet, les albums sont plutôt difficile à obtenir, même auprès d’Amazon (ou alors il faut mettre le prix). Pourtant la musique mérité qu’on s’y intéresse avec plus de soin. Puscifer se rapproche quelque peu de A Perfect Circle, en ajoutant des sonorités plus électro / trip-hop. La voix de Maynard est un élément essentiel sur les premiers albums, avec des superpositions successives qui créent une ambiance particulière. Le prochain album, “Money Shot” à paraître en octobre 2015, change quelque peu d’approche en se focalisant davantage sur les ambiances instrumentales. Les voix jouent toujours un rôle essentiel mais s’ajoutent à la musique plutôt que de la supplanter. En attendant le prochain album de Tool qui n’arrivera peut être jamais (mais soyons optimiste), cet album propose une douceur mélancolique et sublime à nos oreilles.

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Les Beatles: une mode intemporelle (histoire d’un archaïsme moderne)

Le christianisme disparaîtra. Il s’évaporera, rétrécira. Je n’ai pas à discuter là-dessus. J’ai raison, il sera prouvé que j’ai raison. Nous sommes plus populaires que Jésus désormais. Je ne sais pas ce qui disparaîtra en premier, le rock’n’roll ou la chrétienté (John Lennon)

Je voulais rapidement revenir sur un article dont j’ai lu une traduction dans le Courrier International, qui avait pour sujet les Beatles (1). Cet article, extrêmement bien écrit et terriblement dense met en évidence un problème que rencontre notre société depuis un certain temps: le caractère fétiche de la musique (2) dont je souhaite ici analyser, augmenter et critiquer la théorie.

L’article rappelle la montée fulgurante des Beatles et leur impact sur la société. Le journaliste, Marc Edmundson, alors âgé de 11 ans se définit plutôt comme un “jeune homme […] qui ressemblait à un cadre moyen d’IBM, ou de la NASA en modèle réduit”, bref, dans ce contexte, un conservateur issu de la bourgeoisie ploutocratique, en somme, conformiste. Lorsqu’en février 1964 les Beatles acquièrent de la notoriété, tout va changer pour Marc. Il fait face à une frénésie qu’il répudie car elle ne correspond pas à son mode de vie. On peut tirer deux conclusions de ce constat:

A. Les Beatles sont au début d’un art synonyme de marchandise

Il s’agit d’une évolution que le musicologue Théodor Adorno pointe du doigt dès les débuts du Jazz, qui pour lui sont à mettre en relation avec la musique radiophonique et donc de culture de masse (3). Il s’agirait d’une époque de dégénérescence. L’article de Marc Edmundson met d’ailleurs bien l’accent sur cette impression. Les Beatles avaient pour public des jeunes, principalement des filles, totalement épris de cette musique nouvelle, où la joie que procurent l’instant et le jeu des couleurs devient un prétexte pour les auditeurs de penser le tout, et il devient donc un consommateur docile. Pis encore, selon Adorno, “tout art “léger” est devenu illusion et mensonge […] La liquidation de l’individu est la véritable signature de la nouvelle situation musicale.” Car en effet, les Beatles ont monopolisé les esprits pendant bien longtemps, ne laissant en apparence aucune liberté à l’auditeur, comme halluciné par la musique qui sort de partout, de la radio, des écrans cinématographiques et télévisuels. En ce sens, on peut réellement conclure que “Le principe des stars est devenu totalitaire”, une impossible émancipation de la marchandise.

B. Les Beatles sont au début d’un art synonyme de liberté

Et ce pour deux raisons. Tout d’abord, les Beatles marquent le début d’une révolution sociétale avec l’apparition de mouvements de paix, écologiques, féministes. L’article de Marc Edmundson met bien l’accent là-dessus: “Les Beatles avaient quelque chose de féminin […] Comment avait-ils pu faire un choix aussi crétin? Les filles n’étaient rien”. Il met ainsi en évidence que “du jour au lendemain, la hiérarchie avait changé”. Il s’agit de thèmes aujourd’hui encore très actuels, et il semblerait que les Beatles aient joué un rôle majeur dans cette dynamique, ils ont en quelque sorte été les porte-paroles, les figures iconiques de ces mouvements. En ce sens, je ne suis pas d’accord avec Théodor Adorno, qui écrivait que “la séduction sensuelle effémine et rend incapable de toute attitude héroïque”. Les Beatles sont des héros des temps modernes, d’un point de vu social c’est indéniable. Mais s’agit-il alors simplement d’une prise de position politico-morale ou bien peut-on trouver dans la musique des Beatles les ingrédients qui font, selon des considérations kantiennes et hégéliennes, de l’art? L’article, en tout cas dans sa formulation, semble y être favorable, expliquant “qu’en fait, on ne discernait pas bien si elles étaient joyeuses ou débordées par le chagrin” (4), c’est-à-dire qu’il y a effectivement un sentiment d’unité qui s’exprime, dans le sens où les sensations ne forment plus qu’un seul cosmos. Les Beatles possèdent alors une aura, même si celle-ci est païenne. L’auditeur est dans le détachement, quasi dans l’élévation spirituelle, tout en restant dans le présent, l’actuel: “elles voulaient qu’on leur tienne la main et rien d’autre”.

C. Synthèse

Je veux revenir ici sur la citation que j’ai mis en exergue, car le journaliste revient sur cet aspect dans son article. La citation de John Lennon est problématique: d’une part, le rock permettrait de s’affranchir des traditions et d’un certain conformisme (la religion) mais il peut seulement y arriver si lui-même propose une alternative qui elle aussi ressemble paradoxalement à un système traditionnel (un succédané de religion en somme). Les Beatles sont, à l’instar de la religion, le nouvel “opium du peuple”, et on peut donc parler d’un archaïsme moderne ou bien d’une mode intemporelle car ils reproduisent simplement un schéma ancien en l’actualisant. Il y a d’une part l’insubordination des Beatles face au système; et d’autre part l’insubordination du système face au nouveau système que représentent les Beatles. En ce sens, ce ne sont pas les quatre chevelus et leurs fans qui sont différents, mais le journaliste, adversaire de la musique rock, qui se retrouve finalement dans la posture de subjectivité “bizarre”, comme il écrit lui-même. En conclusion, la liberté n’est pas la musique des Beatles, qu’elle soit considérée comme légère ou profonde, mais l’athéisme et donc l’émancipation de toute forme de bourrage de crâne!

Vous aurez compris, si je parle des Beatles, c’est évidemment pour créer l’analogie avec ce qui se passe aujourd’hui dans l’univers médiatique. J’ai essayé de montrer en prenant appui sur l’article admirablement nuancé de Marc Edmundson, qu’on ne peut pas émettre un jugement absolu et que tout peut-être contrasté, mais que dans tous les cas il faut se méfier des “phénomènes”, de la totalitarisation des masses et donc du caractère autoritaire de l’art et la culture.

(1) https://lareviewofbooks.org/essay/hate-the-beatles

(2) Théorie de Théodor Adorno, qui prend appui sur l’idée marxiste du fétichisme de la marchandise, c’est à dire que les acteurs ne se définissent plus que par leurs échanges d’argent. Les citations sont extraites de l’édition suivante : http://www.editions-allia.com/fr/livre/277/le-caractere-fetiche-dans-la-musique

(3) Voir à ce sujet l’article suivant : http://lherbentrelespaves.fr/index.php?post/2013/04/11/Le-Jazz%2C-La-%E2%80%9CMusique-Classique%E2%80%9D-et-Adorno

(4) Ce passage me fait penser à un extrait du roman de Julien Green, Adrienne Mesurat, où l’on peut lire les phrases suivantes: “Elle écoutait. Toute cette joie et cette tristesse qui se succédaient dans les thèmes et s’appelaient l’une l’autre, lui déchiraient le cœur, en même temps qu’elles lui mettaient aux yeux des larmes de plaisir.”

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