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Nouveau morceau de XCIII

A l’occasion de la célébration de la naissance de l’écrivain allemand Leopold von Sacher-Masoch, XCIII a participé à une compilation en ligne. Vous pouvez donc entendre un tout nouveau morceau en suivant le lien: https://youtu.be/ZaoHx8Susck?t=15m23s … Bonne écoute.

 

“Pensées d’ici ou d’ailleurs” est Sold Out

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Le premier ouvrage de Anne-Claire Rallo, “Pensées d’ici ou d’ailleurs” est désormais Sold Out. Merci à tous les acheteurs. Vous soutenez par votre acquisition le travail de l’auteur et de l’Association. On peut dire que cette première sortie Livre fut un franc succès. Nous espérons par ailleurs que ces aphorismes vous ont plu. Pour ceux qui n’auraient pas pu acquérir l’ouvrage, sachez que vous pouvez également le retrouver aux concerts où nous tenons un stand et qu’il y aura une deuxième édition courant 2017. D’autres ouvrages vont par ailleurs bientôt voir le jour, alors restez connectés.

Première chronique de l’album “Enlighten” du groupe XCIII

Voici la première chronique du nouvel album de XCIII, “Enlighten”

Rien n’est facile d’accès dans leur musique, et pourtant tout fait simplement appel à vos sens. Il y a longtemps que l’on a renoncé à les classer, et là n’est pas l’important. L’important, c’est de les ressentir, de les comprendre d’une façon ou d’une autre, et surtout, d’admettre qu’ils ont réussi à survoler les époques musicales sans paraître décousus ou vagues.

http://metaloddities.canalblog.com/archives/2016/07/20/34103828.html

Nous ferons un update sur les chroniques une fois par mois.

L’étoile arty (court aparté sur l’être star)

Nous les stars sommes la seule marchandise qui ait le droit de s’absenter, le soir, du magasin. (Ava Gardner)

La musique populaire, ou du moins cette société de divertissement produit une culture qui à son tour produit des acteurs qui sont en charge de véhiculer cette nouvelle idéologie de l’art. La star occupe alors une place de choix dans ce système. Alors que Roland Barthes préconisait en 1968 la mort de l’auteur, expliquant que « donner un auteur à un texte, c’est imposer à ce texte un cran d’arrêt, c’est le pouvoir d’un signifié dernier, c’est fermer l’écriture », on peut considérer l’auteur comme la marionnette suprême de l’industrie culturelle. En effet, toute musique légère se ressemblant si parfaitement, on peut rendre compte d’une préférence et d’une différentielle nouveauté qu’en invoquant la biographie personnelle de son auteur-compositeur. On crée ainsi une culture de la personnalité autour de ce personnage qui n’est au final qu’une figure imaginaire, ou, dans tous les cas, réifiée. Il n’y a par ailleurs plus aucune exigence qualitative : tout le monde peut être un chanteur du moment « qu’il a une voix », expression creuse, qui fait fi de toute virtuosité technique. La fonction de la musique disparaît au profit du seul matériau, c’est-à-dire de la seule voix, de la seule star. La recherche d’un talent répond alors à une logique interne de l’industrie culturelle qui absorbe et pilote toutes les recherches, et les talents que l’on présente ensuite dans les médias et les compétitions, que le consommateur doit alors s’appliquer à contempler pour choisir sa nouvelle star, sont finalement, en amont, des pures produits de ce système. Le consommateur de tube, qui pense avoir choisi personnellement et en toute liberté son artiste qu’il a décidé de suivre et de chérir – car en fait ce sont les médias qui proposent des produits, le consommateur n’est qu’un réceptacle – est désormais conforté dans son choix, dans la mesure où cet artiste est récompensé par ses « pairs » (d’autres produits) et par la masse. La héroïsation du médiocre appartient au culte de la complaisance. Les stars représentent alors deux choses : d’une part elles rappellent la population moyenne afin de dissimuler la distance qui existe entre eux et le consommateur moyen. Chacun doit pouvoir s’identifier à la star et ainsi espérer devenir lui-même un jour une star. D’autre part, les stars ne sont en fait que les artefacts des images publicitaires d’articles de marque. Ce n’est pas sans raison que les stars sont choisies parmi les mannequins commerciaux et répondent aux critères de la beauté d’usage, c’est-à-dire la beauté reconnue par le client. Plus le consommateur de tube est attiré dans ce cercle vicieux, moins il doit le sentir. On lui fait croire qu’il participe à un « art de consommer ». Le principe des stars, personnes érigées comme maîtres absolus de nos émotions, représente donc un danger, et on se rapproche d’une idée totalitaire dans la mesure où « Les réactions de l’auditoire semblent faire abstraction de tout rapport à l’exécution même de la musique pour ne plus répondre immédiatement qu’au succès précédemment accumulé ». Theodor Adorno ira même à comparer ce système d’industrie culturelle qui impose la starification des êtres humains au régime national-socialiste allemand. Assurément, le danger de la star provient, comme c’était le cas pour Hitler, du poids que la radio et les médias en général accordent à ses paroles. La star répond ainsi à un effet de mode : l’homme qui voit la star et le pouvoir qui l’entoure s’exclamera avec les paroles suivantes : « C’est formidable ». Exit la réflexion.

Kaléidoscope

Autour du grand banquet siège une foule avide ; Mais bien des conviés laissent leur place vide Et se lèvent avant la fin (Victor Hugo, Fantômes)

J’arrive, je m’assois. Je regarde. Quatre visages se posent sur moi. Je sens déjà cet air étouffant. Je ne voulais pas venir, on m’y a obligé. Pas un mot, pas un bruit. Seul le vent claque contre cette fenêtre. Je m’assois, je regarde, j’ignore où je suis. Après avoir marché quelques heures dans cette ville inconnue, je suis à destination. Quatre visages regardent par terre, sans vie. Elle est à l’autre bout de la chambre. Pourquoi ne viens-tu pas ?  Elle lève la tête, me regarde. Une douce brise qui file lentement vers mon âme ; ouragan déchaîné qui m’enferme dans ma culpabilité. Je découvre ce globe envoûtant. Je souffle, béat, un air généreux dans son oreille. Je me ressource – L’euphorie est à son comble. Je consomme sous le regard de la lune, heureux. Une bénédiction. Muet, je me confie à l’infini et je prends la fuite – Je mesure combien l’homme peut être heureux sans rien. Ma respiration est lente. Je m’endors les yeux ouverts. La lourdeur de mes mouvements échappe aux invités. Un livre taché de vin attire mon attention. Paradis Artificiels. Malheureuse fatalité ! Un bruit grinçant. Toc, toc. Souviens-toi ! Vas-y, souviens-toi. Toc, toc. Verts ! Ils étaient verts, tâchés de noirs. Cette nuit-là, je l’avais vu, cette terre nouvelle. Je l’avais entendu. Toc, toc. Entre. Avance, avance. Non ! C’est moi qui dédale ! Je tombe, las, je tombe. Dans cette immensité profonde, inconnue, enfermé dans un souvenir, terrible. Symphonie. Attaque. Attaque mon cœur. Tue-moi ! Regarde-Moi. Regarde-Moi. Enfonce ton Iris dans mes entrailles ! Hallucination. Me revoilà. Rien n’a changé. Si. Dormir. Je veux dormir. Mais le réveil n’est jamais loin, il est dans les yeux. Ils sont innombrables. Seize, polyphonique, et je suis seul. Ils sont là, en personne, mais ils ne sont rien. Paroles vides, paroles à vide. C’est une ruse pour m’attirer dans une conversation qui n’a plus de sens. Inlassablement. C’est la fin. 16 minutes avant le début. Gong. Couloir abstrait. Paroles vides, paroles à vide. Une voix: petit homme. Te voilà de retour en enfance. Tu n’es plus, simplement ce corps enchaîné par ce regard inavoué, cet être, qui se définit par un simple mouvement, en haut, en bas, ouvert, fermé, parfois les deux en même temps, tu essayes de saisir cette lumière, cette obscurité, en un trait, ça t’es impossible, pas assez rapide, manque de vivacité, tu t’avoues vaincu, après tant d’années, tu as vu mais ta définition t’as perdu, ô malheureux vagabond, je prends, ici même, je prends ton âme, tu scandes mon nom, tu cries mon patronyme, rien n’y fera, je te prends, elle t’a pris, pendant un court instant s’est ouvert un paysage sublime, la forteresse de toutes les réponses, peut être bien une envolée lyrique, passé, présent, futur, tout était réuni dans ce vert, ô combien vert, dont tu as essayé de déterminer les branches, tu t’es baladé à travers les pierres et les montagnes, suis-moi, ne te retourne pas; tu resteras à jamais accablé.

Tout à coup, un concert de tambour débuta – et la soirée se conclut dans la tourmente, des larmes et des visages déphasés. Tout était réuni. Et les décombres, reliquats d’un temps qui ne m’avait jamais calmé.

Il avait fait une entrée remarquée. Non pas par sa présence, mais au contraire, par son air absent. Je l’avais toujours connu ainsi, il était là, et en même temps ailleurs. Doué pour faire culpabiliser les personnes avec qui il entretenait des relations particulièrement accablantes. L’art de créer des ambiances fantasmagoriques tout en s’inspirant de l’illusion la plus banale. J’étais l’une d’entre elle. Ses yeux braqués sur moi, fatigués et ardents à la fois. Je ne le regardais pas, je ne le regardais plus. Ce regard, qui raconte mille histoires dont nulle n’est réelle. Dont toutes sont une invention d’esprit. Ce regard qui ne contemple que l’invisible, l’impalpable – l’impossible. Il parle comme si de rien était; et comme si tout était l’un. Je me moque, comment m’en empêcher? Je persifle sa présence. Je gausse son absence. Ses yeux me déshabillent. Je suis à nu. Je suis pour lui, comme un livre ouvert, ou bien un paradis artificiel; une réalité, ou bien une vérité; l’incarnation du beau, ou bien l’impossible délicatesse; une douleur qui fascine, un plaisir qui tue. Je ne suis rien, si ce n’est tout – et je le sais. Et je le méprise. Et je l’aime. Et je me déteste. Je parle à untel, à l’autre et celui-là, dans ce couloir, les conversations vont de bon train. Quinze personnes et jamais à lui. C’est bientôt l’heure, tenons nous prêt. Une vie nouvelle au goût du passé. Me voilà retourné en enfance. Une voix: c’est Jean. Il fait une blague, on rigole.

Tout à coup, une chanson retentit – et la soirée se conclut calmement, des rires et des sourires. Tout était réuni. Et les décombres n’étaient plus que reliquat d’un temps qui ne m’avait jamais tourmenté.

Du renouveau dans l’art …

Ce qui est nouveau dans cette phase de la culture de masse comparée au libéralisme avancé, c’est l’exclusion de toute nouveauté (Horkheimer, Kulturindustrie)

– un texte pour introduire un blog –

Dans ce caveau immense, bercé par les cliquetis incessants des ordinateurs, il regardait par la fenêtre dans l’espoir d’y trouver quelque réconfort. Mais la brume inondait le paysage grisâtre et le ciel de plomb qui semblait pénétrer jusqu’à l’intérieur de la salle envahissait les murs et le plafond, ne laissant aucune issue à sa terrible conquête des esprits apathiques. « La grâce intervient pour corriger la grandeur par un aspect plaisant ». Il n’y a pas grande consolation dans ce barbarisme d’une autre époque. La porte se referme et on n’entend plus que la réverbération du monstre logorrhéique qui a l’art de la citation et de la paraphrase. Mais ne s’agit-il pas d’un leurre pour berner une assemblée non-avertie ? Nous sommes alors face à deux catastrophes, l’une semble nous dévorer tandis que l’autre a pour but d’élever les esprits. L’une est angoisse naturelle, l’autre est manipulation. Ainsi, il sort de la salle, marche et semble prendre son envol mais il sait que demain, ou peut-être même tout à l’heure, il faudra revenir, écouter, écrire, sourire. Un sourire béat, une âme vide. Il marche et semble se réjouir de sa liberté soudaine. Ce sentiment n’est qu’immédiat. Le semblant de liberté est de courte durée. Les cafés, les grandes avenues, les voitures qui passent, les vélos qui surgissent. La rue assourdissante hurlait. Le monstre se prolonge dans l’air, dans les arbres et les chemins de traverses. Les piétons s’enchainent, le regard vide ; les voitures se suivent, une conversation motorisée, un ronronnement mécanique. La rencontre entre l’air frais des champs et le champ de bataille des villes. Il s’assoit. Les gouttes tombent de son menton. Une, deux, trois. Dans ce sillon profond, chaque son, sec, dur, raide, le décapite. Les pots d’échappements créent un paysage vaporeux. On ne voit plus rien. Tel un aveugle on navigue à travers les flots liquides et désagréables. Et en haut, il nage, mais en haut, sous le soleil noir, il se noie. Il avait passé bien dix ans ici. Du moins, ce moment lui avait semblé une éternité. Quand il se réveillait le matin, son regard tourné vers la fenêtre, il ne pouvait que voir cet éclat de lumière qui couvrait sa chambre d’un clair-obscur. Musique ! Dans un tourment épique, la folie faisait son apparition. Bonjour. Comment vas-tu ? De longues minutes. Le cadavre se meut presque instinctivement au rythme enlaçant, entrainant avec lui, squelettes et autres créatures étranges. Marche, marche, vers la fenêtre. Il s’approche, volets décrépît. Le soleil pose sa lumière écarlate sur ses ossements, catapulté par l’étrange sensation de bonheur. Et pourtant, là, dehors, il sommeillait. Il garde le château, sur sa tour d’ivoire. Une fois en bas de la colline, un élan l’emporte vers les arbres riches et la fente triomphante. Il se sentait rejeté de ce monde : aveuglé par la lumière accueillante, il voyait autre chose : la Terreur. Le beau n’est-il pas le commencement du terrible ? Les nuages qui passent… là-bas… là-bas… Les merveilleux nuages, bien loin d’ici. Trop tard… Car cette chose s’approche et elle… Il avait passé bien dix ans ici. – mais désormais, il fallait fuir. Des petits pas, à gauche, puis à droite. Ne pas dépasser les lignes, souvent imaginaires. Claustrophobe dans un espace immense. Cet espace, ville, monde ; qui gronde dès qu’on l’agresse et qui ne dort jamais. Nous ne sommes plus à Babylon, ou pis encore, à l’Alexanderplatz mais bien dans un labyrinthe en ligne droite, où le vice n’est plus, venez par-là, venez voir, l’ours rose qui vomit son amour sur Jean, Michel et Françoise. Tout est beau, la laideur est mise sur le compte d’un dysfonctionnement d’un programme jugé pourtant infaillible. Allez comprendre. Nous vivons dans un espace-temps qui décapite la charogne et qui maltraite toute nouveauté dans un état de catatonie profonde.

J’avais rendez-vous avec un musicien qui devait me faire écouter de nouvelles compositions, qui, selon lui, se construisaient comme un récit de voyage psycho-délirant. Je doutais fortement que sa musique puisse me plaire, mais j’avais accepté de le voir. Quel mal pouvait-il y avoir à échanger, partager ? Car oui, finalement, nous formons une communauté, nous devons travailler ensemble au bon fonctionnement de la société. Cela se traduisait souvent par une sorte de fordisme social. Je fais partie de cette communauté, et même si j’ai une forte tendance à franchir les murs, je me conforme à ce quotidien, je pensais pouvoir obtenir satisfaction, une meilleure qualité de vie, encore des formules toutes faites. Le musicien aussi se croyait en dehors de cette formidable bulle. Vous savez, m’avait-il dit un jour, nous ne devons pas accepter notre destin socio-économique, nous devons lutter, et seule la musique a le pouvoir de changer les choses. J’avais bien évidemment allumé derechef la radio, pensant enfin lutter. Mais non. Il ne s’agit que d’un produit qui a pour but de nous laver le cerveau … Evidemment, comment avais-je pu être à ce point naïf. Evidemment, la radio est un outil qui a pour but de nous inculquer des valeurs, de nous dicter ce qui est bien et ce qui est mal. Mais qu’est-ce qu’alors l’art, lui avais-je demandé. Sa réponse fut brève, considérant qu’il ne faisait que parler : l’art, mon cher ami, c’est quand le temps s’arrête et que l’espace reste figé, quand on est en mesure de tout voir, en étant Un, tout en étant l’autre ; l’art, c’est chatouiller l’absolu. L’art, c’est quand la grâce intervient pour corriger la grandeur par un aspect plaisant. Je n’étais pas vraiment satisfait de sa réponse, qui me semblait être un écho et non une réflexion personnelle. Mais je l’acceptais, un sourire sur le visage. Il avait probablement raison, je n’y connaissais rien, je me contentais d’écouter celui qui semblait en savoir tellement. N’était-il pas membre de la Scène ? Même en quelque sorte leur leader ? Il avait autour de lui de nombreuses personnes, hommes et femmes, qui le respectaient. Un jour il aurait plus d’adeptes que le Christ lui-même. Cet homme passait pour l’incarnation d’une émulation intérieure, source de force, d’une volonté de puissance en mesure de résoudre l’antagonisme sociétal et retrouver des valeurs morales. Mais voilà, contre qui se bat-t-on lorsque le consensus social est de mise afin de préserver un équilibre ?

J’avais donc rendez-vous avec ce musicien… Il ouvre le lecteur cassette, y place sa dernière création, lance la stéréo. Vous verrez, la cassette est le seul média qui restitue fidèlement les émotions, m’explique-t-il. J’acquiesce, sans savoir si oui ou non cela est exact. Je ferme les yeux pour mieux me concentrer. La musique débute. Un son sifflant, un cri de souffrance, puis un autre, des effets distordus, des guitares rapides et puissantes, une basse étouffante – une ambiance cadavérique. Une musique sans début ni fin, une sorte de monstre paradoxal dont la nature réside dans un flou artistique pluricausal. Les choses de la vie ne sont jamais précises, m’explique le musicien ; et c’est mentir que de les dépeindre nues, puisque nous ne les voyons jamais que dans un brouillard de désir. Vous savez, mon ami, l’un des grands défis de notre société, c’est réussir à créer une œuvre substantiellement nouvelle. Tout a déjà été fait ; tout semble déjà avoir été fait. Ce qui est nouveau dans cette phase de la culture de masse comparée au libéralisme, c’est l’exclusion de toute nouveauté. Pensez-vous que ma musique possède cette force émancipatrice ? Je ne comprenais pas le rapport entre sa musique aléatoire et le concept de nouveauté ou d’originalité. Il n’y a pas de cause à effet entre le premier et le second. Une œuvre peut tout à fait être originale en étant simple, épurée, sobre. Le génie ne serait-il pas au contraire de mettre en évidence l’apparente simplicité d’une construction alambiquée plutôt que de rendre cette simplicité alambiquée en apparence ? Ma réponse fut alors concise, presque provocatrice : Je pense, lui dis-je, que si l’on recherche avec tant d’acharnement une quelconque originalité qui se traduirait par la création d’une œuvre précurseur de par sa nouveauté, cette recherche s’avère vaine … Quelle étrange réponse me donnez-vous là. Vous êtes bien philosophe aujourd’hui. Vous devriez plutôt vous concentrer sur la musique, y prêter une oreille plus attentive plutôt que de vous lancer dans une rhétorique que visiblement vous ne maîtrisez pas. Mais que dites-vous ? Vous me rendez tout confus. Vous savez, j’ai de longues discussions avec de nombreux artistes. Nous parlons également de vous, de votre implication dans cette entreprise. Soit vous acceptez les règles du jeu, soit vous disparaissez. Partez à l’ouest, ou vous trouverez certainement un public plus réceptif à votre conception hédoniste de l’art. Nous ne sommes pas des grisettes. Nous ne sommes pas les pantins de la société de consommation. Ah, là-bas vous serez adulé par la critique. Vous gagnerez même des prix. Vous pourrez vous pavaner devant un parterre d’admirateurs. Mais voulez-vous vraiment être admiré par des personnes qui ne conçoivent pas que la musique, la littérature, la peinture, sont autre chose que désir et divertissement ? Vous savez pourtant, et je sais que vous le savez, que l’art doit déclencher une élévation de l’âme. Les ondes lyriques sont notre seule chance d’évacuer la planète terre avant que celle-ci soit recyclée. Ensemble nous dormons, on somnole et on rêve, les minutes se transforment en heures, on grimpe sur un arbre puis sur un autre, on regarde le soleil se coucher sur notre belle ville ; nous sommes surpuissants.

Certes, lui répondis-je, mais le discours ne finit jamais et vous restez prisonnier de vos concepts… A quoi bon?

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